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© João Garcia
2010

Cap au Sud-Sud !

2010 - 2011 - 2012 - 2013

1. COURANTS D’A.I.R.
2. «LA GUERRE SANS NOM»
3. PAUL RICARD 1909 - 1997
4. MARSEILLE : Radio Grenouille & Euphonia

1. COURANTS D'AIR

Courants d’A.I.R., projet pour un Artiste Indépendant Résident relié au CNCDC à Châteauvallon que dirige Christian Tamet, répond à ce désir de légèreté et de liberté. Aujourd’hui, pour le registre de création que j’ai en tête, je n’ai pas besoin de lieu spécifique ni de danseurs permanents. Je ne m’installe pas. Plus. Régulièrement, mais jamais très longtemps. C’est important de respirer l’air du Sud, de continuer à mouver et de rester dans un certain flou avant d’acter.

Aujourd’hui, je suis une danseuse chorégraphe chineuse.

Ce que j’ai très envie de faire, c’est avant tout, d’organiser et de réaliser des collectes sonores, visuelles et gestuelles. L’équipe que je souhaite réunir désormais est une équipe occasionnelle et engagée, constituée principalement de preneurs de son, de musiciens, de raconteurs, de personnes qui travaillent la lumière, de capteurs d’images.
Je cherche à chiner la parole, les regards et les gestes des gens du Sud, des deux côtés de la Méditerranée. De part et d’autre. Pour y entendre d’autres sons de cloches. D’autres accents, d’autres langues. D’autres espaces. D’autres corps en mouvement.
De ceux qui y vivent, ceux qui y travaillent, ceux qui y causent, ceux qui y rêvent, ceux qui y marchent, ceux qui y rouspètent, ceux qui y bricolent…

Mettre en relation, en articulation, en conjugaison…

L’art chorégraphique !

Il ne faut jamais bien longtemps à un danseur pour tisser des liens, les cultiver et les partager. Forts de cette connaissance empirique nous avons une grande efficacité pour organiser et concrétiser des actions et des évènements.
Pour présenter le résultat de ces aventures, je suis très heureuse d’imaginer d’autres lieux que les théâtres et d’autres conditions de représentation comme autant d’opportunités de questionner la relation à un public non formaté.

Courants d’A.I.R. poursuit la réflexion sur la notion d’indépendance. Le travail de recherche, de rencontres, de collectes représente trois à quatre mois de travail par an et aura pour traces des créations radiophoniques, des documentaires et des films, des écrits, des musiques, des gestes dansés présentés lors de présentations publiques.
Le projet est donc itinérant et se balade sur les deux rives de la Méditerranée, en France mais aussi en Algérie, en Tunisie, au Maroc.

2. «LA GUERRE SANS NOM»

Courants d’A.I.R. est conçu pour durer 4 années : 2010, 2011, 2012 et 2013.
En 2013, le résultat artistique des 3 années précédentes sera créé sous une forme spectaculaire, vernaculaire et inédite : « LA GUERRE SANS NOM », une installation danse – son – lumière - image qui prendra appui sur tous les supports artistiques, humains, générés par les rencontres ou par la force des lieux. « LA GUERRE SANS NOM », un projet porté par Cornucopiae et le CNCDC à Châteauvallon vise à s’inscrire dans la programmation de Marseille - Provence 2013.
Ce qui est signifiant avec ce drame qu’est la guerre d’indépendance de l’Algérie, c’est le silence qui la recouvre et qui dure encore après presque 50 ans. Pourtant, 50 ans c’est le temps qu’il faut pour que les historiens puissent se saisir de cette folie humaine. Les Français comme les Algériens portent encore en eux les stigmates de LA GUERRE SANS NOM.
Après avoir réalisé la première série d’entretiens sur cette mémoire enfouie pour INDEPENDANCE n°1 de septembre 2009 à avril 2010 et être allée dans les Aurès en mai 2010, je dois continuer à entendre et à faire écouter en retour. Les personnes qui ont bien voulu témoigner sont nées dans les années 1930/1940. Je compte développer une deuxième session avec des personnes nées aux alentours des années 60/70. Ces paroles multiples, complémentaires, paradoxales ou au contraire convergentes m’obligent à réfléchir, à m’ouvrir à ce que je ne connais pas. Je me rends compte du changement très profond que ce travail d’enquêtes opère dans mon imaginaire et la perception de la réalité. Cela change mon regard sur moi et les autres. Par exemple, je pensais avoir beaucoup de tolérance et je me rends compte, depuis, que j’ai du chemin à faire sur ce sujet. Que rien n’est acquis, jamais. Que chaque nouvelle expérience découvre des pans inconnus de notre nature.
Je suis très étonnée de constater que nous sommes si peu dans le spectacle vivant à nous intéresser à cette tragédie de la guerre de l’Algérie. J’ai lu Camus et des livres d’historiens, vu des films documentaires et des films d’auteur, assisté à des pièces de théâtre mais jamais de danse. Pourtant le corps en mouvement est l’instrument rêvé pour évoquer l’étrange ambigüité des comportements des hommes et des femmes en temps de guerre.

À moi qui suis lente comme une tortue, il va falloir du temps pour parcourir cet impossible chemin de réflexion et de création sur les indépendances. Un long trajet où j’espère faire des rencontres essentielles qui me permettront de déposer comme des jalons, des cailloux-bijoux de création sonore, visuelle et gestuelle.

Dans ce contexte, j’aimerais collaborer avec un réalisateur Algérien Tariq Teguia dont le travail cinématographique « Inland » (2008) m’a récemment bluffée, suspendue, rendue joyeuse comme lorsqu’on vient de voir quelque chose de rare et de bon. Je suis en contact avec lui et j’espère bien le convaincre de faire quelque chose ensemble. À suivre…

3. PAUL RICARD 1909-1997

Je suis incapable d’expliquer raisonnablement mon attrait pour la personnalité et la vie de Paul Ricard. Je ne comprends pas pourquoi la démarche et le trajet de cet homme m’intriguent autant. Pour tenter une explication, je peux toujours essayer le cliché éculé des pieds-noirs attablés devant une kémia avec une anisette…. Non, ce n’est pas cela. Ou bien mettre en avant cette quête insensée à reproduire à l’identique le goût de la toute première boisson Ricard. Non, ce n’est pas suffisant.
Je ne suis pas une intellectuelle, je réfléchis avec le corps en entier, pas seulement avec la tête. Une sorte d’animal, qui hume pour découvrir et avancer. L’intuition et l’observation sont mes partenaires. Je suis capable de rester longtemps à affiner un détail sans fatigue, avec passion, sans voir le temps passer. L’intuition n’est pas infaillible, loin de là, sur la justesse des chemins qu’elle nous fait prendre. Je le sais. Se perdre est secondaire car au fond, tous les chemins se valent.

Cheminer donc sur les pas de Paul Ricard.

Je n’ai visité que deux lieux Ricard pour le moment : le laboratoire et la première usine (devenue un entrepôt) de Sainte-Marthe à Marseille, endroit symbolique des débuts de l’aventure Ricard. Et le Centre de Production à Bordeaux, parce que c’est proche de La Rochelle où je vis encore. Pour ce deuxième rendez-vous, j’étais accompagnée par Nicolas Barillot l’homme du son et João Garcia le photographe. A chaque fois, la chaleur et la simplicité de l’accueil m’ont émue. Que cet homme ait pu transmettre une énergie aussi essentielle et que ça demeure après lui. Cela fait penser à la transmission orale chez nous les danseurs. Et également, comment la puissance d’un geste ou d’une danse est toujours engendrée par le petit, le proche du rien. Ça fait penser à l’impact de la pensée et de l’intention pour être au coeur des gestes qui ravissent l’imaginaire.

J’aimerais continuer à me rendre sur les lieux qui ont jalonné la vie professionnelle de Paul Ricard, à savoir le domaine de La Margeray et visiter les appartements créés pour les employés de la société, le domaine de Méjanes en Carmargue, l’île de Bendor, l’Observatoire de la mer sur l’île des Embiez, la commune de Signes où il fut maire et la thébaïde sur le piton de la Tête-de-l’Evèque. Tous les lieux choisis par lui sont remarquables tant esthétiquement que symboliquement ; ils réfléchissent la personnalité singulière et avant-gardiste d’un homme visionnaire.

Au coeur de l’aventure Cap au Sud - Sud !, je vais me plonger dans l’étonnant louchissement du pastis au contact de l’eau… afin d’y voir moins clair !!!


4. MARSEILLE : Radio Grenouille & Euphonia

Je me souviens dans les années 80 de l’incroyable avènement des radios libres, de leur impact, de leur créativité. Je me souviens que leur surgissement avait fortement influencé notre environnement sonore et que, par exemple, une de mes pièces Grand Écart avait pour bande son une création sonore inspirée par Radio Nova, la radio libre et branchée de l’époque.
Dans l’équilibre que je cherche entre l’image et le son, dans l’évolution personnelle qui me conduit à prendre en considération la force de la transmission orale, le son et ses développements artistiques sont au tout premier plan dans ma manière de travailler.
Mettre en avant et privilégier la finesse de l’oreille est aussi important que de savoir voir. L’oeil et l’oreille doivent aller ensemble et dialoguer. Depuis le début de mon parcours en danse, j’ai été accompagnée par la crème des sonorisateurs du spectacle vivant et j’ai la chance d’avoir appris avec les meilleurs.
Que ce soit au quotidien ou pour la scène, l’univers sonore est un partenaire subtil et puissant. Il touche directement l’imaginaire et pour cette raison, c’est un élément précieux qui accompagne et suscite l’espace de la pensée. Lorsque je danse, le son est un partenaire indispensable qui ouvre des chemins imprévisibles à l’expérimentation du présent.
La diffusion sur les ondes radio est un support prioritaire à développer pour témoigner des multiples collectes que nous faisons au sein de Cornucopiae avec Nicolas Barillot.
À chaque déplacement que nous effectuons, que ce soit en Algérie, en Nouvelle-Calédonie, chez Paul Ricard ou à Marseille, nous enregistrons les paroles, les bruits, les paysages urbains ou ruraux, nous collectons, trions et rangeons toutes les mémoires audio de ces différentes pérégrinations.
À Marseille, j’ai rencontré et visité l’équipe qui anime la fameuse Radio Grenouille et le studio de création sonore Euphonia. Nous sommes en train d’imaginer un espace commun de créations radiophoniques qui devrait apporter ses premières réalisations autour de LA GUERRE SANS NOM.
Des rendez-vous sonores seront inventés en association avec d’autres radios :
- avec RFI en la personne de Pascale Paradou – Culture Vive, qui aimerait accompagner les différents déplacements occasionnés par Courant d’A.I.R. et le projet Pacifique Sud en Nouvelle-Calédonie.
- avec les Ateliers de Création Radiophonique sur France Culture, porté par Frank Smith.

Une autre dimension du travail de Nicolas Barillot, au sein de Cornucopiae, consiste à enregistrer régulièrement le travail musical de Gianni Fornet, guitariste qui accompagne depuis 2004 mon travail de création.La rencontre avec Moïse Kuiesine musicien du Wetr à Lifou, la découverte des chants Kanak, donneront lieu à un autre registre de collectes et à de nouvelles opportunités de création musicale, à diffuser.

Un projet de Régine Chopinot
Son : Nicolas Barillot
Musique : Gianni Fornet
Lumières : Maryse Gautier
Photo et vidéo : João Garcia

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